Les revendications sociales après 1980
3. Les revendications autochtones
3.2. Les droits des Autochtones et les revendications territoriales
Dans les années 1980, les Autochtones continuent de revendiquer leurs droits afin de défendre leurs modes de vie, leurs cultures et leurs territoires. Lors des négociations sur le rapatriement de la Constitution du Canada, de nombreuses associations autochtones demandent au gouvernement fédéral que ces droits soient reconnus dans la nouvelle constitution.
Ces pressions conduisent à la reconnaissance des droits ancestraux des Premières Nations, des Métis et des Inuits par la Loi constitutionnelle de 1982. Cette loi reconnait également les droits issus de traités entre les peuples autochtones et le gouvernement, ce qui inclut les ententes conclues avant la création de la fédération canadienne en 1867. Dorénavant, les mouvements autochtones peuvent fonder leurs revendications politiques, culturelles et territoriales sur la Constitution, ce qui les dotent d’une plus grande capacité d’action face à l’État et aux grandes entreprises privées.
Depuis les années 1980, les peuples autochtones comptent de plus en plus sur leurs droits ancestraux pour légitimer la pratique de la chasse, de la pêche ou du piégeage sur des territoires qu’ils occupaient avant l’arrivée des Européens. Les Autochtones comptent aussi sur leurs droits ancestraux pour revendiquer la possession des terres qu’ils n’ont pas cédées au gouvernement fédéral, voire pour s’opposer aux projets de développement économique qui empiètent sur ces terres.
La reconnaissance des droits ancestraux soutient ainsi les Autochtones dans leurs négociations avec les différents paliers de gouvernement, ce qui conduit entre autres à des ententes avec les Inuits du Nunavut au Canada et du Nunavik au Québec. En plus de susciter la création du Nunavut en 1999, ces ententes répondent aux revendications des Inuits concernant la possession et le contrôle de leurs territoires, la représentation politique de leurs peuples ainsi que la participation au développement économique du Nord canadien.
La signature d’une entente entre le gouvernement et les Autochtones ne signifie pas pour autant la fin de leurs revendications territoriales. Dans les années 1980 et 1990, les Cris soutiennent que l’État québécois ne respecte pas la Convention de la Baie-James et du Nord Québécois de 1975. Devant les tribunaux, les Cris affirment que le gouvernement provincial et les entreprises privées ne les consultent pas suffisamment en ce qui concerne l’exploitation des ressources hydroélectriques, minières et forestières.
Pour répondre à ces revendications, le gouvernement péquiste de Bernard Landry amorce de nouvelles négociations avec la nation crie au début des années 2000. Avec la signature de la Paix des Braves en 2002, les Cris s’assurent de collaborer au développement économique du Nord-du-Québec, de recevoir une part des retombées financières et d’administrer leurs finances avec une plus grande autonomie. Cette entente de nation à nation met ainsi un terme aux contestations juridiques des Cris et elle permet à l’État québécois de lancer la construction d’un complexe hydroélectrique sur la rivière Eastmain.
La crise d'Oka
Malgré la reconnaissance des droits ancestraux et les ententes gouvernementales, les peuples autochtones doivent fréquemment mener de longues luttes pour défendre leurs territoires. Par exemple, aux 18e et 19e siècles, les Mohawks de Kanesatake, notamment par l'entremise Joseph Onasakenrat, exercent des pressions sur la couronne britannique et le gouvernement canadien afin de revendiquer les terres occupées par les Sulpiciens depuis l’époque de la Nouvelle-France. Dans la deuxième moitié du 20e siècle, les Mohawks intensifient leurs revendications territoriales face à l’expansion du village d’Oka, mais le gouvernement fédéral rejette ces revendications à deux reprises, avant et après l’adoption de la Loi constitutionnelle de 1982.

En 1990, la municipalité d’Oka approuve la construction de condominiums et l’agrandissement d’un terrain de golf, un projet qui empiète sur les terres revendiquées par les Mohawks.
Appuyés par les Warriors de Kahnawake, les Mohawks de Kanesatake érigent des barricades pour s’opposer au projet de développement et pour défendre le territoire au sein duquel se trouve un cimetière autochtone. Au cours de l’été, les tensions entre les Mohawks et les différents paliers de gouvernement débouchent sur de multiples affrontements avec la police provinciale et l’armée canadienne. La crise d’Oka prend fin en septembre 1990 avec le démantèlement des barricades, l’arrestation de certains Warriors et l’achat des terres à l’origine du conflit par le gouvernement fédéral. Trente ans après la crise d’Oka, les Mohawks de Kanesatake attendent toujours le transfert officiel de ces terres et la satisfaction de leurs revendications territoriales.

À partir de l’exemple de la nation Wet’suwet’en dans les documents 7 et 8, indique une différence entre la gouvernance des conseils de bande et des chefs héréditaires. Puis, indique une différence entre la position de chacun sur le projet Coastal GasLink.
Extrait d’un article de journal publié en 2020
« Les opposants du projet clament que Coastal GasLink [Transcanada] n’a pas le pouvoir de construire son gazoduc sans le consentement des chefs héréditaires de la nation wet’suwet’en. L’entreprise [Transcanada] disait avoir signé des accords avec les conseils élus des 20 Premières nations situées le long du tracé du gazoduc, y compris avec certains membres du conseil des élus de Wet’suwet’en. Ces membres élus disent être indépendants de l’autorité du chef héréditaire et ont signé des accords visant à améliorer les services d’éducation, les soins aux aînés et les services à la communauté. Les chefs héréditaires affirment détenir l’autorité sur 22 000 kilomètres carrés du territoire traditionnel des Wet’suwet’en, tandis que les membres élus du conseil administrent les réserves. »
Source : La Presse canadienne, « Les chefs héréditaires wet’suwet’en s’entendent avec les gouvernements », La Presse, 30 avril 2020, en ligne sur La Presse.
Extrait d’un article de Radio-Canada publié en 2020
« La nation Wet’suwet’en compte 13 maisons traditionnelles représentées par des chefs dits traditionnels. [...] Ces chefs héréditaires tirent leur autorité des formes traditionnelles de gouvernance qui ont historiquement été écrasées par l’État canadien. [...] Avec la Loi sur les Indiens, adoptée en 1876, des conseils de bande élus deviennent les figures reconnues par l’État canadien pour administrer les réserves. Les chefs héréditaires, dont les structures ont survécu jusqu’à aujourd’hui, revendiquent pour leur part l’autorité sur les territoires non cédés qui peuvent ou non inclure les terres des réserves. »
Source : Jean-Philippe Guilbault, « La difficile négociation des titres ancestraux au cœur du conflit Wet’suwet’en », Radio-Canada, 4 mars 2020, en ligne sur Société Radio-Canada.
Indique si les faits présentés dans les documents 9 à 12 sont antérieurs ou postérieurs à la crise d’Oka.

Extrait d’un article de Radio-Canada
« Quelques semaines plus tôt, le 15 février [...], le Nunavut tenait ses premières élections pour former un gouvernement. Le nouveau territoire opte pour un gouvernement de consensus, sans parti politique, qui aura un ressort sur la santé, l’éducation, la justice, les services sociaux et la culture. Le premier ministre et le Cabinet seront désignés après les élections parmi les députés indépendants. Ce n’est qu’à la suite de la formation de son premier gouvernement que le Nunavut peut faire officiellement son entrée dans la Confédération. »
Source : Radio-Canada, « Quand le Nunavut est devenu le troisième territoire du Canada », Radio-Canada, en ligne sur Société Radio-Canada.

Extrait d’une motion adoptée après la ratification de la Loi constitutionnelle de 1982
« [...] l’État québécois allait baliser le cadre général de son action future à l'égard des peuples autochtones par le biais d'une résolution adoptée le 20 mars par l'Assemblée nationale. Cette résolution [reconnait] l'existence de 11 nations autochtones distinctes sur le territoire du Québec ainsi que leurs droits ancestraux et ceux inscrits dans les Conventions de la Baie-James et du Nord québécois et du Nord-Est québécois. »
Source : Daniel Salée, « L’État québécois et la question autochtone », dans Alain-G. Gagnon, Québec : État et société, tome 2, Montréal, Québec/Amérique, 1994, p.
121, en ligne sur Les classiques des sciences sociales.