3. Le Québec à l’ère du néolibéralisme

Déterminer les impacts du néolibéralisme sur la redéfinition du rôle de l’État québécois et sur l’économie québécoise depuis les années 1980.

Dans la foulée de la crise énergétique des années 1970, de nombreux pays occidentaux traversent une récession dès le début des années 1980. Au Québec, le ralentissement de la croissance économique se traduit par une augmentation rapide du taux de chômage, qui passe d’environ 10 % en 1980 à plus de 15 % en 1982. Une hausse marquée de l’inflation caractérise également cette récession, ce qui engendre une augmentation du prix des biens et des services ainsi qu’un accroissement de la dette du Québec. Pour affronter la récession, le gouvernement de René Lévesque diminue les salaires des travailleurs de la fonction publique et il augmente la charge de travail des enseignants et des infirmières.

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Source : Paul Chiasson/CP Photo, Jean Charest et Lucien Bouchard lors de l’annonce de la construction de la Maison symphonique de Montréal (2006), La Presse canadienne, CP2729928. Licence : Image utilisée avec la permission de La Presse canadienne, tous droits réservés.

Au début des années 1990, une autre récession accentue la croissance de la dette du Québec. Cet endettement préoccupe de plus en plus les politiciens québécois, qui craignent que le poids de la dette soit trop élevé par rapport à la taille de l’économie québécoise.

La dette publique découle principalement des emprunts effectués par l’État québécois pour financer ses investissements et ses dépenses. Les économistes présentent souvent cette dette en pourcentage du produit intérieur brut (PIB), qui représente la valeur des biens et des services produits au sein de l’économie québécoise.

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Source des données : Ministère des Finances et de l’Économie du Québec, Données historiques depuis 1970-1971: Budget 2013-2014, 2012, p. 19, en ligne sur Ministère des Finances du Québec.

Pour réduire la dette du Québec, les gouvernements du Parti québécois et du Parti libéral coupent tour à tour dans les dépenses publiques. Les coupes budgétaires passent notamment par une diminution de la taille de la fonction publique et du financement des programmes sociaux, dont le poids économique augmente rapidement depuis les années 1960. Ces politiques s’inspirent du néolibéralisme, une nouvelle forme de libéralisme qui soutient que la prospérité se fonde sur la recherche du profit individuel et la limitation de l’intervention de l’État dans l’économie. En rupture avec le keynésianisme, le néolibéralisme engendre une redéfinition du rôle de l’État dans plusieurs pays occidentaux, voire une remise en question des principes de l’État-providence.

Néolibéralisme
Vérifie tes connaissances - En rappel : libéralisme, keynésianisme et néolibéralisme au Québec

À partir des années 1990, les politiques néolibérales du gouvernement provincial engendrent des coupes budgétaires en éducation, en santé et dans les services sociaux. Ces coupes limitent notamment le nombre de professionnels dans les écoles, le remboursement de plusieurs médicaments et les places d’hébergement au sein d’établissements comme les hôpitaux psychiatriques.

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Source des données : Gouvernement du Québec, Budget de dépenses 2017-2018, Renseignements supplémentaires, Québec, 2017, p. 72, en ligne sur Secrétariat du Conseil du trésor.

Dans les années 2000 et 2010, les gouvernements libéraux de Jean Charest et de Philippe Couillard effectuent des coupes en ralentissant l’augmentation des dépenses dans les programmes des ministères québécois. 

L’austérité budgétaire engendre également la privatisation de plusieurs soins de santé, ce qui les exclut de l’assurance maladie et qui contraint la population québécoise à payer pour recevoir ces soins. Dans l’ensemble, l’accès aux services publics devient plus difficile puisque le gouvernement québécois ne remplace pas de nombreux employés du secteur public qui prennent leur retraite.

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Source : Henri Rémillard, Locaux de la Clinique des femmes de Montréal. 3465, rue Peel, Montréal (1981), Bibliothèque et Archives nationales du Québec, E6,S7,SS1,D810123-810123. Licence : Creative Commons (BY-NC-ND).

Le néolibéralisme ouvre la voie à une redéfinition du rôle de l’État québécois, dont l’administration exige de maximiser les revenus et de minimiser les dépenses, une gestion semblable à celle de l’entreprise privée. L’État québécois conserve toutefois plusieurs caractéristiques de l’État-providence puisque le gouvernement provincial continue d’intervenir dans l’économie et la société. Plusieurs sociétés d’État évitent aussi la privatisation, ce qui permet entre autres à Hydro-Québec de fournir de l’électricité abordable à travers la province. Le maintien de l’État-providence au Québec dépend aussi de la population québécoise qui manifeste son désaccord lorsque le gouvernement provincial annonce des coupes budgétaires.

Question 3 - Établir des liens de causalité

Explique comment un objectif économique de l’État québécois limite son engagement dans les programmes sociaux entre 1980 et 2000.

  • L’état de la dette du Québec
  • L’objectif économique de l’État québécois
  • L’impact sur les programmes sociaux

Les documents

Article d’opinion publié en 1998

« La demande de soins va continuer d’être à la hausse, principalement à cause du vieillissement de la population, alors que les ressources du système public de santé ne pourront pas être augmentées. Elles subiront en fait de nouvelles coupures d’ici à ce qu’on parvienne au déficit zéro [...]. Après trois années du plan [d’élimination] du déficit, il y a des signes inquiétants de la détérioration de la situation financière du réseau des établissements. [...] On constate que depuis 1995-1996, l’effort de coupures budgétaires demandé au secteur de la santé et des services sociaux totalise 1,9 milliard. »

Source : Denis Bédard, « Un « fonds-santé » avant de privatiser : Une solution à considérer avant d'ouvrir le système au secteur privé », Le Soleil, 4 février 1998, p. B9, en ligne sur Bibliothèque et Archives nationales du Québec, notice 0004878815. 

Citation de Bernard Landry, ministre des Finances, expliquant les objectifs budgétaires du gouvernement en 1996

« Au chapitre des finances, [...] nous devons éliminer le déficit [annuel, qui fait augmenter la dette du Québec]. Une loi viendra encadrer étroitement ce plan d'élimination du déficit et obligera, par la suite, le gouvernement à maintenir son budget en équilibre. [...]

En effet, le financement de la dette entraîne pour l'économie des conséquences tragiques: plus le gouvernement s'endette, moins il reste d'épargne disponible pour les projets [...].

La loi fixera tout d'abord le rythme d'élimination du déficit. De 3 275 000 000 $ cette année, le déficit sera ramené à 2 200 000 000 $ en 1997-1998, puis à 1 200 000 000 $ en 1998-1999. Et, l'année suivante, [...] notre déficit sera précisément rendu à zéro. »

Source : Bernard Landry, « Discours sur le budget », 9 mai 1996, Journal des débats de l'Assemblée nationale, 35e législature, 2e session, vol. 35, no. 19, en ligne sur Assemblée nationale du Québec.

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Source des données : Ministère des Finances et de l’Économie du Québec, Données historiques depuis 1970-1971: Budget 2013-2014, 2012, p. 19, en ligne sur Ministère des Finances du Québec.
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Cahier de traces

L’économie sociale face au néolibéralisme

Au moment où le néolibéralisme encourage la compétition entre les individus, de nombreux Québécois collaborent pour stimuler le développement de l’économie sociale. Cette partie de l’économie se compose d’entreprises qui cherchent à combler les besoins de la collectivité plutôt qu’à maximiser leur profit.

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Source : Adrien Hubert, Compagnie Agropur de Granby (1981), Bibliothèque et Archives nationales du Québec, E6,S7,SS1,D810263-810264. Licence : Creative Commons (BY-NC-ND).

Au Québec, ce type d’entreprises existe depuis le 19e siècle, époque à laquelle débutent le mouvement coopératif et la création des caisses populaires par Alphonse Desjardins. À partir des années 1990, la population québécoise compte sur les entreprises d’économie sociale pour s’adapter au néolibéralisme et pour combler des besoins que le secteur public ne peut pas satisfaire.

À la fin des années 1990, le gouvernement québécois reconnait l’importance de l’économie sociale et il élabore une série de politiques pour appuyer son développement. Par exemple, le gouvernement de Lucien Bouchard crée un réseau de centres de la petite enfance, des entreprises d’économie sociale qui offrent des services de garderie et d’éducation à faible coût. L’économie sociale compte aussi sur les coopératives d’habitation et les entreprises d’insertion, qui tentent respectivement d’offrir des logements abordables et de faciliter l’accès au marché du travail des personnes en situation de vulnérabilité. Malgré l’appui du gouvernement provincial, l’économie sociale ne remplace pas les programmes sociaux mis en place durant la Révolution tranquille, qui continuent de subir les coupes budgétaires au-delà des années 2000.

Cahier de traces