4. Duplessis, un conservateur

4.2. La contestation du gouvernement de Maurice Duplessis

Relever les paroles et les points de vue des acteurs qui ont remis en question le conservatisme social et les politiques de Duplessis.

L’empreinte du conservatisme social et la portée du cléricalisme incitent des artistes, des intellectuels ainsi qu’une poignée de religieux à contester le gouvernement de Maurice Duplessis.

Question 13 - Établir des faits

Consulte les documents 24 à 27. Qui sont les auteurs de ces documents et que reprochent-ils au gouvernement de Duplessis?

Les documents

Citation de Gérard Pelletier, cofondateur de la revue Cité libre

« Le règne de Maurice Duplessis a coïncidé avec notre jeunesse. Nous sortions de l’adolescence quand il arriva au pouvoir; nous touchions la quarantaine quand il l’a quitté. Or, pendant ces vingt années, ce ne sont pas seulement des désaccords occasionnels qui nous opposèrent à lui mais un refus obligé, profond et constant de ses positions les plus fondamentales. [...] Notre génération avait compris que la collectivité québécoise retardait sur son temps, qu’il fallait à tout prix nous remettre à jour sans délai, accélérer le processus que la période de guerre avait amorcé. Mais Duplessis et ses comparses appuyaient de tout leur poids considérable sur tous les freins disponibles ».

Source : Gérard Pelletier, Les Années d’impatience, 1950-1960, Montréal, Stanké, 1983, p. 62.

Citation de George-Henri Lévesque, fondateur et doyen de la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval, au sujet de Maurice Duplessis 

« Et comme aussi il [Maurice Duplessis] était mécontent de l’enseignement de certains professeurs. C’est clair que lorsqu’un professeur donne un cours d’économie politique, ou de politique économique, comme vous voudrez, et bien il donne un cours scientifique et objectif. Et souvent il pose des conclusions qui ne concordent pas tout à fait avec la politique économique courante. Monsieur Duplessis finissait toujours par le savoir, je ne sais trop comment, mais il finissait toujours par le savoir. Et alors il n’aimait pas ça. Et il en avertissait le recteur et puis, et moi-même quand il me rencontrait aussi. Et je disais : « Je regrette énormément, mais la liberté académique ». Alors c’est une Faculté qu’il ne pouvait pas contrôler et qu’il savait pouvoir devenir extrêmement forte par ses élèves, sur tout le plan de la vie sociale, économique et politique. »

Source : Le sel de la semaine, 11 décembre 1967, Société Radio-Canada, 04:32 à 05:26, en ligne sur iciradiocanada.ca. Licence : enregistrement utilisé avec la permission de la Société Radio-Canada, tous droits réservés.

Citation d’André Laurendeau, politicien et rédacteur en chef adjoint au quotidien Le Devoir

« Que M. Duplessis défende l’autonomie, non, cela ne nous fera pas oublier que du même coup, il octroie des faveurs exorbitantes aux grosses compagnies du Québec, et qu’il laisse se perpétuer et se multiplier les excès du capitalisme. [...] Que M. Duplessis défende l’autonomie, non, cela ne nous fera pas oublier que du même coup il n’a pas de politique ouvrière ou s’il en a une, celle-ci est rétrograde et conservatrice, elle se méfie systématiquement des unions et des syndicats dont elle veut miner les pouvoirs, elle s’inspire d’une doctrine libérale de l’État, elle regarde l’ouvrier comme un révolté, un dangereux révolutionnaire. »

Source : André Laurendeau, « La lutte pour l’autonomie provinciale », Le Devoir, 8 avril 1947, p. 10, en ligne sur Bibliothèque et Archives nationales du Québec, notice 0005226335.

Citation de Gérard Fillion, directeur du quotidien Le Devoir

« Monsieur Duplessis n’est pas un homme de tout repos, loin de là. Il est essentiellement opportuniste. Chaque parole qu’il prononce, chaque geste qu’il pose ont une fin bien précise : rapporter des votes. Son administration ressemble en beaucoup de points à celle de Taschereau [premier ministre de 1920 à 1936] : conservatisme exagéré, liaison étroite avec la rue Saint-Jacques [secteur de Montréal occupé par plusieurs banques et compagnies financières]. »

Source : Gérard Fillion, « Pour qui voterons-nous? », Le Devoir, 14 juillet 1948, cité dans Michel Lévesque (ed.), À la hache et au scalpel : 70 éditoriaux pour comprendre le Devoir sous Gérard Filion (1947-1963), Québec, Septentrion, 2010, p. 145-146.

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 Cahier de traces

La période duplessiste, une époque de « grande noirceur » ?

Lorsque Maurice Duplessis meurt en 1959, les contestataires de son gouvernement s’empressent de qualifier les années d’après-guerre comme une période de « grande noirceur ». Pour ces contestataires, la mort de Duplessis représente une occasion de véhiculer leurs points de vue sur le rapport entre l’Église et l’État, le rôle du gouvernement québécois dans l’économie de la province, voire même le statut politique du Québec au sein du Canada.

L'expression « grande noirceur »

Au début des années 1960, de nombreux politiciens et journalistes emploient ainsi l’expression « grande noirceur » pour dépeindre un portrait sombre de la période duplessiste et pour se distancier de valeurs qu’ils jugent traditionnelles.

Même si l’expression « grande noirceur » marque la mémoire collective, la démarche historienne permet de montrer que cette expression reflète d’abord les opinions des contemporains de Duplessis et qu’elle mérite d’être nuancée. En s’inspirant de cette démarche, ton projet technologique te permettra de prendre du recul sur les opinions des acteurs de l’époque. Pour ce faire, tu établiras un portrait des aspects politiques, économiques et sociaux de la période duplessiste, puis tu analyseras la contestation d’un de ces aspects afin de distinguer les perspectives des acteurs sur cet aspect.