La période duplessiste
Site: | Moodle CSSRDN |
Cours: | Portage - Histoire du Québec et du Canada • 4e secondaire • 2022-2023 - Adapté |
Livre: | La période duplessiste |
Imprimé par: | Visiteur anonyme |
Date: | samedi 30 novembre 2024, 23:58 |
1. Introduction
Premier ministre du Québec de 1936 à 1939, Maurice Duplessis revient au pouvoir en 1944 lorsque l’Union nationale défait le Parti libéral d’Adélard Godbout. Jusqu’à la mort de Duplessis en 1959, le gouvernement de l’Union nationale assure la défense de l’autonomie provinciale, du libéralisme économique et des valeurs traditionnelles comme la religion, la famille patriarcale et le mode de vie rural.
Dans la lignée de ses prédécesseurs, le gouvernement de Maurice Duplessis entretient l’influence de l’entreprise privée sur l’économie et la mainmise du clergé sur la société québécoise. Au cours de la période duplessiste, le Québec entre toutefois dans une nouvelle phase de modernisation qui commence à prendre forme sur les plans socioéconomique et culturel. Cette modernisation se manifeste entre autres par une remise en question des politiques de l’Union nationale et des valeurs qui imprègnent la société québécoise. Quelles sont les principales politiques mises de l’avant par le gouvernement Duplessis? Quelles sont les contestations durant la période duplessiste et quels acteurs portent ces contestations?
- Décrire des politiques du gouvernement de Maurice Duplessis.
- Se référer à des repères de temps et établir la succession des évènements de la période duplessiste.
- Relever des éléments géographiques en lien avec la transformation du territoire.
Un projet technologique te sera proposé à la fin du chapitre. Il te permettra de valider tes connaissances et ta maitrise de la compétence 1.
2. Duplessis et l’autonomie provinciale
Relever les paroles et les actions du gouvernement de Maurice Duplessis pour conserver et accroitre l’autonomie du Québec face au gouvernement fédéral.
Depuis la fin du 19e siècle, de nombreux politiciens québécois défendent l’autonomie politique et les intérêts économiques de la province, des actions qui reflètent l’émergence et la consolidation d’un nationalisme au Québec.
Après la Seconde Guerre mondiale, le gouvernement de Maurice Duplessis défend de nouveau l’autonomie provinciale pour contrer les efforts de centralisation du gouvernement fédéral.
Alors que le gouvernement canadien tente d’investir les champs de compétence provinciaux, le gouvernement québécois refuse de lui céder ses pouvoirs et de participer à plusieurs programmes fédéraux.
Duplessis, le drapeau québécois et l'autonomie provinciale
Cahier de traces
Question 2 - Déterminer des changements et des continuités
Avec l’aide des repères temporels, détermine quel document représente une continuité et quels documents illustrent un changement. Explique ton choix.
Extrait du discours du trône prononcé par le premier ministre du Québec Maurice Duplessis en 1949
« [M]on gouvernement réaffirme que le facteur qui assurera le mieux l’unité canadienne et sauvegardera l’avenir de la Confédération, réside dans le respect de l’autonomie provinciale [...].
Il est juste et indispensable que la province de Québec puisse exercer, [...] les droits, prérogatives et libertés qui lui appartiennent, qui lui sont, par surcroît, formellement reconnus par la constitution canadienne et dont dépend son avenir. »
Source : Maurice Duplessis, « Discours du trône », Québec, 19 janvier 1949, en ligne sur La Société du patrimoine politique du Québec.
Extrait d’un article de journal
« Le Canada a mieux réussi que la Grande-Bretagne et les États-Unis à lever suffisamment d'impôts pour rencontrer les dépenses de guerre [...].
De plus, le Dominion a absorbé les impôts provinciaux sur le revenu et les corporations, ce qui a augmenté d'autant le niveau de la taxation fédérale. »
Source : Auteur anonyme, « Un honteux championnat », Le Guide, vol. 15 no. 14, 13 avril 1944, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, notice 0006265959. Licence : protégé par droit d’auteur.
Extrait d’un discours prononcé en 1954 par Onésime Gagnon, ministre des Finances du Québec
« Au cours de la présente session, le gouvernement [du Québec] a présenté un projet de loi destiné à rétablir [...] l'impôt sur le revenu des particuliers. Le gouvernement a besoin de revenus additionnels pour le règlement du problème des universités. L'expansion continuelle de la province requiert une somme plus grande d'assistance dans le domaine de la santé et de l'éducation, et cette assistance est essentielle puisqu'elle doit procurer aux citoyens des services auxquels ils ont droit. »
Source : Onésime Gagnon, « Discours sur le budget », 15 février 1954, p. 21 en ligne sur Ministère des finances du Québec.
Cahier de traces
3. L’économie sous Duplessis
Après la Seconde Guerre mondiale, de plus en plus de pays occidentaux adoptent des politiques inspirées du keynésianisme pour encadrer le capitalisme et pour planifier le développement économique. Au Québec, le gouvernement de Duplessis continue plutôt d’adopter des mesures fondées sur le laisser-faire économique puisqu’il cherche à limiter l’intervention de l’État.
Le gouvernement unioniste privilégie ainsi un libéralisme économique qui laisse aux entreprises privées le soin de développer l’économie québécoise et qui favorise ces entreprises lors des conflits de travail. Sous Duplessis, l’État québécois multiplie tout de même les interventions pour appuyer la modernisation de l'agriculture, un processus amorcé depuis plusieurs décennies.
Question 3 - Établir des faits
Que t’apprends la caricature sur la politique économique du gouvernement Duplessis après la Seconde Guerre mondiale? Étudie la caricature en détail et utilise le texte d’introduction pour t’aider à répondre à la question.
Cahier de traces
3.1. Les investissements étrangers et la continentalisation de l’économie
Comprendre comment se traduit le libéralisme économique dans le gouvernement de Duplessis.
À l’instar de ses prédécesseurs, le gouvernement de Duplessis s’appuie sur le libéralisme économique pour attirer les entreprises étrangères. Pour ce faire, il accorde à ces entreprises des concessions forestières et minières à bas prix, leur assure des niveaux de taxation faibles et leur laisse une grande liberté d’action. De plus, il prend en charge le coût de certaines infrastructures pour faciliter l’exploitation des ressources, par exemple en construisant des routes. Enfin, il maintient le salaire minimum et les charges sociales à des niveaux peu élevés, tout en réglementant peu les normes du travail.
En créant des conditions favorables pour les entreprises étrangères, le gouvernement de Duplessis stimule leurs investissements dans l’économie québécoise. Entre 1946 et 1960, ces investissements triplent, passant de 7 128 millions de dollars par année à 22 214 millions par année.
Au cours de la période duplessiste, la majorité des investissements étrangers au Québec proviennent des États-Unis. Les politiques libérales du gouvernement unioniste expliquent en partie cette domination des capitaux américains, mais le contexte mondial permet aussi de comprendre leur prépondérance dans l’économie québécoise.
D’une part, pendant la Seconde Guerre mondiale, l’économie nord-américaine est devenue de plus en plus autonome et autosuffisante. Cette continentalisation de l’économie renforce la dépendance des économies canadiennes et québécoises envers l’économie américaine. Après la guerre, ce phénomène s’accentue puisque les pays alliés européens, bien qu’ils soient sortis victorieux du conflit, doivent consacrer leurs ressources financières à la reconstruction de l’Europe. Affaiblis financièrement, ces pays ne sont pas en mesure d’investir à l’étranger, ce qui stimule les échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis et qui encourage l’intégration économique des marchés nord-américains.
D’autre part, la guerre froide stimule la demande pour les ressources naturelles du Canada et du Québec. En effet, dans la perspective d’un conflit armé avec la Russie, les États-Unis veulent s’assurer de posséder des réserves de matières premières suffisantes. Ces derniers importent ainsi de plus en plus de ressources pétrolières canadiennes et de ressources minières québécoises, ce qui incite de nombreuses entreprises américaines à s’établir en sol québécois pour exploiter les ressources convoitées.
Vérifie tes connaissances - Libéralisme et investissements étrangers
Cahier de traces
L'exploitation des ressources naturelles
Plusieurs des secteurs d’exploitation qui s’étaient développés lors de la deuxième phase d’industrialisation demeurent des pôles économiques importants au Québec. C’est le cas par exemple des pâtes et papiers, de l’hydroélectricité, de l’aluminium, de l’amiante, de l’acier et d’autres métaux tels que le cuivre, l’or, l’argent ou le zinc. D’autres secteurs émergent sous l’impulsion des demandes américaines, dont le fer et le titane.
Question 5
Étape 1 - Situer dans l'espace
Consulte les documents 5 à 10 et situe chacun des documents sur la carte illustrant l’exploitation des ressources naturelles à la fin de la période duplessiste.
Les documents
Entre 1948 et 1950, la première compagnie d’extraction de minerais québécoise commence l’exploitation du titane et du fer des lacs Tio et Allard, près de Havre-Saint-Pierre. C’est le premier port minier de la Côte-Nord. Dans les années 1950 et 1960, la compagnie exporte entre 1 et 1,5 million de tonnes de minerais chaque année, alors que cette production était inexistante auparavant.
Source du texte : Service national du RÉCIT, domaine de l’univers social.
Dans les années 1950, la compagnie Iron Ore, financée par des capitaux américains, se donne les moyens d’exploiter les gisements de fer du Nouveau-Québec. Pour cela, elle fait construire une ligne de chemin de fer de 574 km qui relie Sept-Îles à Schefferville. En 1954, les tout premiers chargements de fer sont expédiés. En cinq ans, la valeur de la production explose et atteint 92 millions de dollars. Sept-Îles devient un des ports maritimes les plus fréquentés, surtout après l’ouverture de la voie maritime du Saint-Laurent.
Source du texte : Service national du RÉCIT, domaine de l’univers social.
En plus du fer, l’exploitation des autres métaux connait aussi une hausse importante, particulièrement en Abitibi et dans le Nord-du-Québec. La production du cuivre fait plus que tripler alors que celle d’amiante double. L’or, l’argent, le zinc, le nickel et le molybdène sont également en croissance.
Source du texte : Service national du RÉCIT, domaine de l’univers social.
Le secteur des pâtes et papiers connait un âge d’or après la Seconde Guerre mondiale. Le Canada demeure le chef de file mondial de la production de papier journal. Au Québec, c’est l’industrie qui emploie le plus grand nombre de travailleurs, avec plus de 25 000 travailleurs, notamment dans les régions de la Mauricie, de l’Outaouais et de l’Abitibi. Une première école nationale de papeterie ouvre ses portes à Trois-Rivières.
Source du texte : Service national du RÉCIT, domaine de l’univers social.
Dans le but de répondre aux besoins des nouvelles exploitations minières et à la demande industrielle, de nouvelles centrales hydro-électriques sont mises en chantier. Sur la côte nord, le gouvernement québécois confie à Hydro-Québec le soin de construire deux centrales à l’ouest de Baie-Comeau : les centrales électriques Bersimis 1 (ouverte en 1956) et Bersimis 2 (ouverte en 1959). En Abitibi et en Outaouais, de nouvelles centrales sont également mises en service.
Source du texte : Service national du RÉCIT, domaine de l’univers social.
Pour faciliter l’acheminement des ressources naturelles vers l’intérieur du continent, les États-Unis et le Canada lancent ensemble un vaste projet de construction d’écluses et de canaux. Ouverte en 1959, la voie maritime du Saint-Laurent permet à des navires de 225 mètres de long et de 23 mètres de large de naviguer de l’océan Atlantique jusqu’aux Grands Lacs. Cet axe de navigation contourne des obstacles tels que les rapides de Lachine ou les chutes du Niagara. Il accentue le mouvement de continentalisation de l’économie.
Source du texte : Service national du RÉCIT, domaine de l’univers social.
Étape 2 - Déterminer des changements et des continuités
À partir des documents 11 et 12, quel changement peux-tu constater dans les régions d’exploitation des ressources naturelles entre le début du 20e siècle et l’époque du gouvernement de Duplessis?
Les documents
Cahier de traces
3.2. Les conflits de travail
Décrire les relations du gouvernement de Duplessis avec les syndicats.
Vérifie tes connaissances - Économie et syndicalisme sous le gouvernement de Duplessis
Cahier de traces
Les grèves des années 1940 et 1950
Les grèves de l’amiante à Asbestos en 1949, du textile à Louiseville en 1952 et du cuivre à Murdochville en 1957 marquent une génération de travailleurs québécois. En effet, ces grèves témoignent de la mainmise de l’entreprise privée sur les relations de travail et du soutien que Maurice Duplessis accorde au patronat. Lors de ces conflits de travail, les employeurs ont parfois recours à des briseurs de grève, c’est-à-dire des travailleurs embauchés pour remplacer ceux qui ont décidé de faire la grève.
Les documents 13 à 15 relatent les principaux évènements de la grève de l’amiante. Place-les en ordre chronologique.
Extrait d’un article de journal
« Les actes de violence d’hier, les plus graves depuis le début de cette grève de 5,000 mineurs, [...] ont nécessités ces renforts policiers, armés de bombes lacrymogènes, de mitraillettes Sten et de revolvers réglementaires. On a rapporté que 12 des 60 policiers provinciaux en devoir à Asbestos et 14 des grévistes ont été blessés hier ».
Source : Auteur inconnu, « L’acte d’émeute lu à Asbestos », Le Soleil, p. 1 et 12, en ligne sur Bibliothèque et Archives nationales du Québec, notice 0004878815.
Extrait d’un article de journal
« M. Jean Marchand, secrétaire général de la Confédération des Travailleurs Catholiques du Canada, a annoncé hier soir que le syndicat des mineurs d’amiante a signé les contrats collectifs de travail de 1949 et 1950 avec deux des compagnies de Thetford. [...] Le contrat collectif de 1950 inclus cette augmentation de 10 cents l’heure en plus d’un boni de vie chère équivalent d’une augmentation d’environ 2 cents l’heure; quatre congés chômés et payés durant l’année; une semaine de vacances après un an de service à l’emploi de ces compagnies [...]. L’entente met donc fin à une dispute qui a déjà causé une grève générale de 4 mois et demi [...]. »
Source : Auteur inconnu, « Contrat signé à Thetford », La Tribune, p. 3, en ligne sur Bibliothèque et Archives nationales du Québec, notice 0004875943.
Extraits d’un article de journal
« Grève générale de l’amiante »
« 5 000 mineurs ont déjà quitté le travail »
« Quelque 2,500 mineurs d’Asbestos sont entrés en grève, hier soir, ce qui porte à 5,000 le nombre des ouvriers de l’amiante actuellement en grève dans la région. On nous affirme, d’autre part, que toute l’industrie de l’amiante de la province de Québec va être paralysée d’ici peu par une grève générale. [...]
Les ouvriers d’Asbestos sont entrés en grève pour deux raisons : d’abord pour obtenir une augmentation de salaire de 15 cents l’heure, ensuite pour que la compagnie accepte de signer une clause, dans le contrat de travail, par laquelle elle s’engagerait à employer les moyens les plus efficaces et les plus modernes pour assurer la suppression de la poussière d’amiante à l’intérieur et à l’extérieur des usines ».
Source : Auteur inconnu, « Grève générale de l’amiante », Le Devoir, p. 1, en ligne sur Bibliothèque et Archives nationales du Québec, notice 0005226335.
Cahier de traces
Question 8 - Déterminer des causes et des conséquences
En te basant sur les documents 13 à 15, nomme deux causes et deux conséquences de la grève de l’amiante.
Cahier de traces
3.3. La modernisation de l’agriculture
Comprendre les changements qui surviennent dans l’agriculture à l’époque du gouvernement de Duplessis.
Le gouvernement de Duplessis adopte plusieurs mesures pour appuyer la modernisation de l’agriculture, un domaine soutenu par l’État québécois depuis le 19e siècle. En quelques années, ces mesures améliorent le rendement des activités agricoles et transforment la vie quotidienne dans les campagnes du Québec.
Question 9 - Déterminer des changements et des continuités
Selon les documents 16 et 17, quels changements importants se produisent dans les fermes québécoises? Appuie tes réponses par des statistiques.
1931 | 1941 | 1951 | 1961 | |
---|---|---|---|---|
Tracteurs | 2 417 | 5 869 | 31 971 | 70 697 |
Moissonneuses-batteuses | 0 | 55 | 420 | 3 046 |
Trayeuses | 827 | - | 17 632 | 34 724 |
Électrification (%) | 14,0 | - | 67,1 | 97,2 |
Source des données : John A. Dickinson et Brian Young, Brève histoire socio-économique du Québec, Sillery, Septentrion, 2003, p. 308.
Cahier de traces
La modernisation de l’agriculture relève principalement de la mécanisation de la production agricole et de l’électrification des fermes. Dans la première moitié du 20e siècle, la production agricole se mécanise rapidement avec l’avènement du tracteur, mais très peu de fermes peuvent compter sur l’électricité pour améliorer leur productivité.
En 1945, le gouvernement de Duplessis crée l'Office de l'électrification rurale afin de transporter et de distribuer l’électricité dans les campagnes du Québec. Ce programme d’électrification rurale consolide la modernisation de l’agriculture parce qu’il transforme les pratiques agricoles et qu’il améliore le rendement des fermes. Par exemple, les producteurs laitiers utilisent des trayeuses électriques pour accélérer la traite des vaches et des réfrigérateurs pour conserver plus longtemps leurs produits.
Grâce aux équipements mécaniques alimentés par l’électricité, les agriculteurs peuvent également accroitre la productivité de l’élevage du bétail et la superficie des terres cultivées, tout en réduisant leurs besoins de main-d'œuvre. Dans les années 1950 et 1960, l’amélioration du rendement des fermes se traduit par une augmentation considérable de leurs revenus, mais aussi par une croissance de la part de marché des productions animales, au détriment des cultures céréalières et maraichères.
Question 10 - Déterminer des changements et des continuités
Analyse les graphiques des documents 18 à 20. Quels changements peux-tu relever à propos des fermes québécoises à l’époque de Duplessis? Relève un changement pour chacun des graphiques.
Cahier de traces
En parallèle à l’électrification des fermes, le gouvernement de Maurice Duplessis adopte une série de mesures pour soutenir la population rurale comme l’octroi de crédits agricoles, la création d’écoles d’agriculture, le drainage des terres et l’amélioration du système routier dans les campagnes. En plus de contribuer à la modernisation de l’agriculture, ces mesures permettent de satisfaire les électeurs des milieux ruraux, surreprésentés à l’Assemblée législative en raison du découpage de la carte électorale. Dès 1936, cet électorat joue un rôle clé dans l’élection de l’Union nationale puisqu’il permet d’élire 63 % des députés alors qu’il ne représente que 37 % de la population québécoise.
Tout au long de sa carrière politique, Maurice Duplessis cherche ainsi à satisfaire les intérêts des agriculteurs et à promouvoir le mode de vie rural, de plus en plus soumis à l'influence de la société de consommation.
Vérifie tes connaissances - Duplessis et les campagnes
4. Duplessis, un conservateur
Dès son arrivée au pouvoir en 1936, Maurice Duplessis fait installer un crucifix à l’Assemblée législative. Le conservatisme qui se dégage de ce geste symbolique se perpétue à travers les politiques sociales du gouvernement de l’Union nationale, et ce, jusqu’à la mort de Duplessis en 1959. Durant les années 1950, le conservatisme qui imprègne la société québécoise est toutefois contesté par des artistes, des intellectuels et même quelques religieux.
À partir de 1960, l’expression « grande noirceur » se répand pour qualifier la période duplessiste, une interprétation remise en question par certains historiens.
4.1. Le conservatisme social et le cléricalisme
Comprendre ce que sont le conservatisme social et le cléricalisme du gouvernement de Duplessis et identifier les valeurs qui leur sont liées.
Le conservatisme qui imprègne la société québécoise durant la période duplessiste prend forme à travers la défense des valeurs traditionnelles et le maintien de l’ordre établi au plan politique, économique et social.
D’une part, les autorités politiques et le clergé valorisent la religion, la famille patriarcale et le mode de vie rural, des valeurs qu’ils jugent indispensables au fonctionnement de la société. La défense de ces valeurs passe notamment par la critique du mode de vie urbain et de ses divertissements, ce qui mène entre autres à la censure de milliers de films qui vont à l’encontre de la morale religieuse.
D'autre part, le gouvernement de Duplessis entretient l’ordre établi en s’opposant aux groupes qui revendiquent des changements politiques, économiques et sociaux. Dans le domaine du travail, le gouvernement de Duplessis freine ainsi l’expansion du syndicalisme et la montée du communisme en s’appuyant sur la « loi du cadenas ». Ces politiques conservatrices favorisent le patronat dans les conflits de travail de et elles assurent la mainmise des entreprises privées sur l’économie québécoise.
Le conservatisme teinte aussi les domaines de la santé et de l’éducation puisque le gouvernement de Duplessis s’appuie sur l'Église catholique pour l’aider dans la gestion de ces domaines. Pour ce faire, Maurice Duplessis adhère au cléricalisme, c’est-à-dire qu’il privilégie le maintien des institutions confessionnelles privées du clergé catholique plutôt que la création d’établissements publics laïques. Les religieux conservent ainsi leur liberté d’action au sein des hôpitaux et leur emprise sur les écoles, qui continuent de promouvoir les idées du catholicisme.
Après la Seconde Guerre mondiale, la croissance démographique multiplie toutefois les besoins de la population québécoise en matière d’éducation, de santé et de services sociaux. Dans les années 1950, les religieux qui œuvrent au sein des écoles, des hôpitaux et des organismes charitables ont ainsi plus de difficulté à combler ces besoins grandissants. Puisque l’Église catholique peine à recruter suffisamment de personnel pour assumer l’ensemble de ses responsabilités sociales, certains évêques sollicitent la contribution du gouvernement provincial.
Par conséquent, l’État québécois fournit davantage d’effectifs laïques pour remplir les fonctions que les religieux ne peuvent plus assumer au sein des institutions catholiques. Jusqu’à la fin de son dernier mandat, Maurice Duplessis souhaite entretenir le cléricalisme, mais l’attribution de fonctionnaires et de fonds publics aux institutions catholiques ouvre graduellement la voie à leur prise en charge par l’État québécois.
Vérifie tes connaissances - Église catholique
Question 11 - Mettre en relation des faits
Les documents 21 à 23 font référence au conservatisme social. Indique les numéros des documents qui illustrent la défense d’une valeur traditionnelle et le numéro du document qui illustre une opposition au changement. Explique la valeur défendue ou le changement refusé.
Extrait du premier rapport de la Commission des droits civils de la Femme publié en 1930
« [Certaines femmes ont] tenté de [...] convaincre [les autres femmes] qu’elles sont malheureuses, à cause de la loi qui les régit; on n'a pas réussi. [...]
En quittant sa famille pour en créer une nouvelle, la femme qui se marie prend le nom de son mari; sa personnalité, sans disparaître, s’identifie avec celle du père de ses enfants; conformes en cela à l’inéluctable nature et à nos moeurs chrétiennes [...] “le mari doit protection à sa femme; la femme obéissance à son mari” ».
Source : Commission des droits civils de la Femme, Premier rapport des commissaires, Québec, 1930, p. 8-11, Bibliothèque et Archives nationales du Québec, notice 0005279199.
Montage d’extraits d’un discours du premier ministre du Québec Maurice Duplessis au congrès de l'Union catholique des cultivateurs en 1951
« Les peuples qui ont vécu, les peuples qui ont prospéré, sont ceux qui ont su donner à l’agriculture la place qui lui appartient, la première place dans l’économie de la province. Il y a malheureusement une tendance, aujourd’hui, à laisser la terre dans certains milieux. L’attrait des villes, l’attrait fallacieux [trompeur] des villes, porte plusieurs à laisser la vie rurale pour aller chercher, dans les villes, un bonheur qui n’existe pas. Il faut de toute nécessité que l’Union catholique des cultivateurs et que les cultivateurs réalisent plus que jamais l’indispensabilité de leurs activités. [...] N’oublions jamais que les cultivateurs possèdent le trésor terrestre le plus précieux et le plus solide : la terre québécoise. »
Source : Le Réveil rural, 18 octobre 1951, Société Radio-Canada, 01:31-03:04. Licence : enregistrement utilisé avec la permission de la Société Radio-Canada, tous droits réservés.
Extrait d’un article de 1946 tiré du journal officiel de la Ligue ouvrière catholique et de la Jeunesse ouvrière catholique
« Chez nous, dans le Québec, il n’y aura jamais de place ni pour le communisme, ni pour le bolchévisme. Le respect des lois est nécessaire non seulement au point de vue du maintien de l’ordre, mais dans l’intérêt des ouvriers et des patrons ».
Source : Auteur inconnu, « Coopération chrétienne et fraternelle », Le front ouvrier, 24 août 1946, p. 2.
Cahier de traces
Cahier de traces
4.2. La contestation du gouvernement de Maurice Duplessis
Relever les paroles et les points de vue des acteurs qui ont remis en question le conservatisme social et les politiques de Duplessis.
L’empreinte du conservatisme social et la portée du cléricalisme incitent des artistes, des intellectuels ainsi qu’une poignée de religieux à contester le gouvernement de Maurice Duplessis.
Question 13 - Établir des faits
Consulte les documents 24 à 27. Qui sont les auteurs de ces documents et que reprochent-ils au gouvernement de Duplessis?
Citation de Gérard Pelletier, cofondateur de la revue Cité libre
« Le règne de Maurice Duplessis a coïncidé avec notre jeunesse. Nous sortions de l’adolescence quand il arriva au pouvoir; nous touchions la quarantaine quand il l’a quitté. Or, pendant ces vingt années, ce ne sont pas seulement des désaccords occasionnels qui nous opposèrent à lui mais un refus obligé, profond et constant de ses positions les plus fondamentales. [...] Notre génération avait compris que la collectivité québécoise retardait sur son temps, qu’il fallait à tout prix nous remettre à jour sans délai, accélérer le processus que la période de guerre avait amorcé. Mais Duplessis et ses comparses appuyaient de tout leur poids considérable sur tous les freins disponibles ».
Source : Gérard Pelletier, Les Années d’impatience, 1950-1960, Montréal, Stanké, 1983, p. 62.
Citation de George-Henri Lévesque, fondateur et doyen de la Faculté des sciences sociales de l’Université Laval, au sujet de Maurice Duplessis
« Et comme aussi il [Maurice Duplessis] était mécontent de l’enseignement de certains professeurs. C’est clair que lorsqu’un professeur donne un cours d’économie politique, ou de politique économique, comme vous voudrez, et bien il donne un cours scientifique et objectif. Et souvent il pose des conclusions qui ne concordent pas tout à fait avec la politique économique courante. Monsieur Duplessis finissait toujours par le savoir, je ne sais trop comment, mais il finissait toujours par le savoir. Et alors il n’aimait pas ça. Et il en avertissait le recteur et puis, et moi-même quand il me rencontrait aussi. Et je disais : « Je regrette énormément, mais la liberté académique ». Alors c’est une Faculté qu’il ne pouvait pas contrôler et qu’il savait pouvoir devenir extrêmement forte par ses élèves, sur tout le plan de la vie sociale, économique et politique. »
Source : Le sel de la semaine, 11 décembre 1967, Société Radio-Canada, 04:32 à 05:26, en ligne sur iciradiocanada.ca. Licence : enregistrement utilisé avec la permission de la Société Radio-Canada, tous droits réservés.
Citation d’André Laurendeau, politicien et rédacteur en chef adjoint au quotidien Le Devoir
« Que M. Duplessis défende l’autonomie, non, cela ne nous fera pas oublier que du même coup, il octroie des faveurs exorbitantes aux grosses compagnies du Québec, et qu’il laisse se perpétuer et se multiplier les excès du capitalisme. [...] Que M. Duplessis défende l’autonomie, non, cela ne nous fera pas oublier que du même coup il n’a pas de politique ouvrière ou s’il en a une, celle-ci est rétrograde et conservatrice, elle se méfie systématiquement des unions et des syndicats dont elle veut miner les pouvoirs, elle s’inspire d’une doctrine libérale de l’État, elle regarde l’ouvrier comme un révolté, un dangereux révolutionnaire. »
Source : André Laurendeau, « La lutte pour l’autonomie provinciale », Le Devoir, 8 avril 1947, p. 10, en ligne sur Bibliothèque et Archives nationales du Québec, notice 0005226335.
Citation de Gérard Fillion, directeur du quotidien Le Devoir
« Monsieur Duplessis n’est pas un homme de tout repos, loin de là. Il est essentiellement opportuniste. Chaque parole qu’il prononce, chaque geste qu’il pose ont une fin bien précise : rapporter des votes. Son administration ressemble en beaucoup de points à celle de Taschereau [premier ministre de 1920 à 1936] : conservatisme exagéré, liaison étroite avec la rue Saint-Jacques [secteur de Montréal occupé par plusieurs banques et compagnies financières]. »
Source : Gérard Fillion, « Pour qui voterons-nous? », Le Devoir, 14 juillet 1948, cité dans Michel Lévesque (ed.), À la hache et au scalpel : 70 éditoriaux pour comprendre le Devoir sous Gérard Filion (1947-1963), Québec, Septentrion, 2010, p. 145-146.
Cahier de traces
La période duplessiste, une époque de « grande noirceur » ?
Lorsque Maurice Duplessis meurt en 1959, les contestataires de son gouvernement s’empressent de qualifier les années d’après-guerre comme une période de « grande noirceur ». Pour ces contestataires, la mort de Duplessis représente une occasion de véhiculer leurs points de vue sur le rapport entre l’Église et l’État, le rôle du gouvernement québécois dans l’économie de la province, voire même le statut politique du Québec au sein du Canada.
Au début des années 1960, de nombreux politiciens et journalistes emploient ainsi l’expression « grande noirceur » pour dépeindre un portrait sombre de la période duplessiste et pour se distancier de valeurs qu’ils jugent traditionnelles.
Même si l’expression « grande noirceur » marque la mémoire collective, la démarche historienne permet de montrer que cette expression reflète d’abord les opinions des contemporains de Duplessis et qu’elle mérite d’être nuancée. En s’inspirant de cette démarche, ton projet technologique te permettra de prendre du recul sur les opinions des acteurs de l’époque. Pour ce faire, tu établiras un portrait des aspects politiques, économiques et sociaux de la période duplessiste, puis tu analyseras la contestation d’un de ces aspects afin de distinguer les perspectives des acteurs sur cet aspect.
5. Révision
Visionne les explications d'un enseignant sur les éléments les plus importants du chapitre.